dimanche 17 mai 2015

Recevoir les inspirations

Nous appelons inspirations tous les attraits, mouvements, reproches et remords intérieurs, lumières et connaissances que Dieu- fait en nous, prévenant notre coeur en ses bénédictions par son soin et amour paternel, afin de nous réveiller, exciter, pousser et attirer aux saintes vertus, à l’amour céleste, aux bonnes résolutions, bref, à tout ce qui nous achemine à notre bien éternel. C’est ce que l’Epoux appelle heurter à la porte et parler au coeur de son Epouse, la réveiller quand elle dort, la crier et réclamer quand elle est absente, l’inviter à son miel et à cueillir des pommes et des fleurs en son jardin, et à chanter et faire résonner sa douce voix à ses oreilles.

Pour l’entière résolution d’un mariage, trois actions doivent entrevenir quant à la damoiselle que l’on veut marier: car premièrement, on lui propose le parti; secondement, elle agrée la proposition, et en troisième lieu, elle consent. Ainsi Dieu voulant faire en nous, par nous et avec nous, quelque action de grande charité, premièrement, il nous la propose par son inspiration; secondement, nous l’agréons; tiercement, nous y consentons; car, comme pour descendre au péché il y a trois degrés, la tentation, la délectation et le consentement, aussi y en a-t-il trois pour monter à la vertu l’inspiration, qui est contraire à la tentation, la délectation en l’inspiration, qui est contraire à la délectation de la tentation, et le consentement à l’inspiration, qui est contraire au consentement à la tentation.

Quand l’inspiration durerait tout le temps de notre vie, nous ne serions pourtant nullement agréables à Dieu si nous n’y prenions plaisir; au contraire, sa divine Majesté en serait offensée, comme il le fut contre les Israélites auprès desquels il fut quarante ans, comme il dit, les sollicitant à se convertir, sans que jamais ils y voulussent entendre dont il jura contre eux en son ire qu’onques ils n’entreraient en son repos. Aussi le gentilhomme qui aurait longuement servi une damoiselle, serait bien fort désobligé si, après cela, elle ne voulait aucunement entendre au mariage qu’il désire.

Le plaisir qu’on prend aux inspirations est un grand acheminement à la gloire de Dieu, et déjà on commence à plaire par icelui à sa divine Majesté: car si bien cette délectation n’est pas encore un entier consentement, c’est une certaine disposition à icelui. Et si c’est un bon signe et chose fort utile de se plaire à ouïr la parole de Dieu, qui est comme une inspiration extérieure, c’est chose bonne aussi et agréable à Dieu de se plaire en l’inspiration intérieure : c’est ce plaisir, duquel parlant l’Epouse sacrée, elle dit : « Mon âme s’est fondue d’aise, quand mon bien-aimé a parlé ». Aussi le gentilhomme est déjà fort content de la damoiselle qu’il sert et se sent favorisé, quand il voit qu’elle se plaît en son service.

Mais enfin c’est le consentement qui parfait l’acte vertueux; car si étant inspirés et nous étant plu en l’inspiration, nous refusons néanmoins par après le consentement à Dieu, nous sommes extrêmement méconnaissants et offensons grandement sa divine Majesté, car il semble bien qu’il y ait plus de mépris. Ce fut ce qui arriva à l’Epouse; car, quoique la douce voix de son bien-aimé lui eût touché le coeur d’une sainte aise, si est-ce néanmoins qu’elle ne lui ouvrit pas la porte, mais s’en excusa d’une excuse frivole; de quoi l’Epoux justement indigné, passa outre et la quitta. Aussi le gentilhomme qui après avoir longuement recherché une damoiselle et lui avoir rendu son service agréable, enfin serait rejeté et méprisé, aurait bien plus de sujet de mécontentement que si la recherche n’avait point été agréée ni favorisée. Résolvez-vous, Philothée, d’accepter de bon coeur toutes les inspirations qu’il plaira à Dieu de vous faire; et quand elles arriveront, recevez-les comme les ambassadeurs du Roi céleste, qui désire contracter mariage avec vous. Oyéz paisiblement leurs propositions ; considérez l’amour avec lequel vous êtes inspirée, et caressez la sainte inspiration. Consentez, mais d’un consentement plein, amoureux et constant à la sainte inspiration; car en cette sorte, Dieu, que vous ne pouvez obliger, se tiendra pour fort obligé à votre affection. Mais avant que de consentir aux inspirations des choses importantes ou extraordinaires, afin de n’être point trompée, conseillez-vous toujours à votre guide, à ce qu’il examine si l’inspiration est vraie ou fausse ; d’autant que l’ennemi voyant une âme prompte à consentir aux inspirations, lui en propose bien souvent des fausses pour la tromper, ce qu’il ne peut jamais faire tandis qu’avec humilité elle obéira à son conducteur.

(Texte repris de "Introduction a la vie dévote" de Saint François de Sales)